Trouver un sens et bâtir de la résilience

Categories: Care and People & Places.

Au mois d’octobre prochain, le Congrès international de soins palliatifs McGill offrira le Palliative Story Exchange, une initiative unique qui vise à relier entre eux les cliniciens en soins palliatifs de différentes professions par le biais de la narration.

Toute personne assistant à la conférence est invitée à partager leurs histoires, d’écouter activement et de trouver le sens de son travail dans la narration d’histoires, la réflexion, ou encore simplement en écoutant les histoires des autres participants dans un espace sûr et ouvert d’esprit. La travailleuse sociale Rachel Rusch, ainsi que les médecins en soins palliatifs Alexis Drutchas et Ricky Leiter sont les co-créateurs du Palliative Story Exchange.

Devon Phillips de Palliative Care McGill s’est entretenue avec eux sur Zoom.

Devon Phillips (DP) : Pouvez-vous me dire quelle est la raison d’être du Palliative Story Exchange. Quelles en sont les origines?

Ricky Leiter (RL) : Je travaille au Dana-Farber Cancer Centre et je faisais partie de la Faculté du Harvard Interprofessional Palliative Care Fellowship. C’est là où Justin Sanders nous a formés, Alexis et moi. En 2018, Alexis sollicitait le fellowship après avoir pratiqué comme omnipraticienne pendant plusieurs années. J’ai eu la chance d’avoir été choisi pour l’interviewer. Immédiatement, Alexis et moi nous avons su que nous partagions un grand intérêt pour l’écriture et la médecine narrative et nous avons passé tout le temps à en discuter. Ce fut une excellente conversation. Je me disais : « J’espère vraiment qu’elle se joindra à nous. » et c’est exactement ce qui est arrivé.

Faisons un saut jusqu’en janvier 2020, nous travaillions en clinique ensemble et Alexis a dit, « tu sais, ne serait-il pas génial si nous créons un évènement à partir de notre amour de l’écriture et de la narration? Nous pourrions nous réunir avec un groupe de collègues dans la cour de quelqu’un avec une bouteille de vin pour  partager des histoires de nos propres expériences. J’ai trouvé l’idée géniale et j’ai dit, « oui, il faut absolument faire ça.» Un mois et demi plus tard, tout s’est arrêté avec la vague de la COVID qui frappait Boston.

Je travaillais dans l’unité de soins intensifs de la Brigham and Women’s Hospital à la tête d’une équipe de soins palliatifs. Alexis travaillait dans l’unité de soins palliatifs au Mass General Hospital (MGH). On ne s’est pas vu pendant des mois mais on continuait de communiquer par textos. Tous les deux on se sentait isolé, on avait peur et on était très bouleversé par le travail que nous devions faire pendant cette période. Alexis a tendu la main et a dit : « tu sais, je pense que c’est le moment idéal pour organiser un événement de narration d’histoires ».

Donc en juin de cette année-là, on a organisé une soirée de narration d’histoires. Trente personnes des équipes du Dana-Farber et du Mass General se sont rencontrées sur Zoom. Ce fut une merveilleuse soirée, très significative. Les personnes ont partagé des histoires de leurs expériences à soigner les patients qui décédaient des suites de la COVID dans les unités COVID, des expériences qui semblaient surréalistes comme aller à l’épicerie pour la première fois après la première vague et toutes sortes d’autres histoires qu’ils avaient vécues. C’était simplement merveilleux et on a renoué le lien qui nous unissait. On s’est aperçu que nos collègues ressentaient la même chose que nous. On s’est dit qu’on avait touché à quelque chose d’important ici et qu’il fallait poursuivre.

Alexis Drutchas (AD) : C’était terrifiant de voir ce qui se passait. À MGH j’ai aidé à ouvrir une unité COVID de fin de vie. On se sentait très isolé, on avait peur aussi, et ce premier évènement nous a permis de nous retrouver ensemble comme ça ne nous était jamais arrivé avant. Nous avons intentionnellement choisi de réunir des personnes de différentes professions. Déjà à la première rencontre nos participants et conteurs étaient aumôniers, travailleurs sociaux, IPS et médecins. Les rencontres nous ont rapprochés et permis d’apprendre à se connaître davantage, même si on avait travaillé côte à côte depuis des mois ou des années. Nous
avons donc commencé à organiser des rencontres mensuelles, en présence et en zoom. On accordait de l’importance à la fois aux personnes qui se portaient volontaires pour raconter une histoire et à celles qui voulaient participer; c’est aussi important de pratiquer l’écoute active que de partager des histoires. En général, nous n’avons pas donné de consignes; on a constaté que le genre de questions comme « Qu’est-ce que vous ramenez chez vous? » ou « À quoi ne pouvez-vous pas cesser de penser? » fonctionnaient très bien. Je pense que pour cette raison nous avons été en mesure de créer un bel espace pour traiter la souffrance et le chagrin dont nous étions témoins. Certaines des histoires sont vraiment explicites et chargées d’une grande émotivité, d’autres sont vraiment drôles et plusieurs contiennent un mélange des deux.

Rachel Rusch, une travailleuse sociale au Children’s Hospital à Los Angeles, s’est jointe à nous il y a environ un an et demi. Le projet a pris de l’ampleur à partir de ce moment-là. Notre premier grand événement en présentiel a eu lieu au Congrès international de soins palliatifs McGill de 2022, et depuis par le bouche à oreille et par nos liens avec divers collègues, nous avons multiplié les évènement du Palliative Story Exchange. Nous avons offert une session de Story Exchange lors du Memorial Sloan Kettering 4th Annual U.S. Celebration of World Hospice and Palliative Care Day, évènement qui a réuni sur zoom 500 participants de travers le monde. Nous avons entendu des histoires provenant de partout, comme celles du Nigéria, des régions rurales de l’Oregon et de Toronto au Canada. Nous pensons que cette approche est un moyen extrêmement puissant pour bâtir une communauté, créer un sens partagé et de plus, selon la recherche, cela peut contribuer à renforcer la résilience des personnes et la longévité au travail.

DP : Si un participant du congrès veut participer à votre session, à quoi doivent-ils s’attendre? Doivent-ils se préparer à l’avance?

RL : Nous aimerions que tous ceux qui sont au congrès viennent à notre session. Nous accueillons les personnes qui ont déjà raconté de nombreuses histoires dans le passé ainsi que celles qui ne l’ont jamais fait. Comme Alexis l’a dit, nous avons pris grand soin de faire en sorte que nous offrons un espace sûr et nous travaillons avec les volontaires avant la rencontre pour qu’ils se sentent très à l’aise de raconter leurs histoires. Les gens apprécient beaucoup l’ambiance des sessions. Nous savons que tout le monde ne voudra pas raconter une histoire et c’est très bien ainsi. Je dirais « entrez, soyez prêts à vous sentir écoutés, à vivre des émotions et à vous sentir connectés à vos collègues comme peut-être jamais auparavant et de plus, c’est une soirée très agréable ». Les personnes partent se sentant mieux et avec une nouvelle appréciation du sens de leur travail. Elles quittent aussi avec une sensation de s’être ressourcées. Ce que nous trouvons, c’est que tout le monde en tire quelque chose.

AD : Habituellement, environ un mois à l’avance, on fera parvenir aux volontaires qui partagerons leur histoire, une invitation avec des lignes directrices. Nous encourageons les volontaires et les participants de toutes les différentes disciplines au sein des équipes interprofessionnelles de soins palliatifs. Nous aimons que les histoires durent moins de 6 à 8 minutes. Nous encourageons les conteurs à écrire leurs histoires et à les lire avant la rencontre afin qu’il n’y ait pas de pression pour « performer » en la racontant. Pour se préparer, nous incitons les personnes à penser à ce qui les interpelle au travail et à la maison. Les histoires ne sont pas basées sur des cas, elles émanent d’une introspection, suscitent des émotions et puisent dans la résonance de l’expérience et de l’interface entre le travail et la maison. On
ne cherche pas des histoires parfaitement articulées. Elles viennent du cœur et elles sont partagées dans un environnement réconfortant et chaleureux avec des collègues et des pairs. En même temps, il est important aussi d’avoir des participants dans la salle qui écoutent activement et contribuent à créer un sens de communauté.

DP : Avez-vous l’intention de conserver ces histoires dans une banque de données?

RL : C’est une très bonne question et on y pense dans le moment. En toute franchise, on a déjà enregistré l’un de nos évènements mais on est très hésitant. D’un côté il y a un enjeu de confidentialité car, même dans un grand groupe, on s’engage à ne pas partager en dehors de la salle ce qu’on a entendu. Cela étant dit, les histoires sont impressionnantes et les conteurs nous disent qu’ils veulent continuer de les partager. À l’avenir, nous aimerions avoir un podcast ou écrire un livre, quelque chose dans ce genre-là. Quand je dis que ces histoires nous laissent un impact, c’est un euphémisme. Elles sont ni plus ni moins que des témoignages incroyables du travail qui se fait dans notre domaine.

AD : On veut s’assurer que les personnes se sentent à l’aise de partager leurs histoires et leur réflexion en toute confidentialité. Je pense que si nous devions enregistrer, nous contacterions les personnes qui partageront une histoire pour leur obtenir leur permission; l’enregistrement serait mis en pause pendant que le conteur partage sa réflexion. Notre objectif pour l’avenir est de créer une plus grande communauté de pratique. Nous réfléchissons à différentes façons d’intéresser et de former des facilitateurs du Palliative Story Exchange pour qu’ils en fassent bénéficier leur milieu ou encore pour introduire le Story Exchange dans différentes institutions de travers le monde.

DP : Le dernier mot vous revient.

AD : Je vous m’assurer de réitérer que l’on encourage et invite les personnes des différentes professions à se joindre à nous.

Pour plus d’information, cliquez ici https://www.pallstoryexchange.com/

 

ehospice – official partner of the McGill International Congress on Palliative Care” 
“ehospice – partenaire officiel du Congrès international de McGill sur les soins palliatifs.”

 

 

 

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