« cordonnier mal chaussé »

Categories: Care.

Je me suis occupée de mon ordonnance de non-réanimation (ONR) il y a quelques années, et j’ai même fait tatouer « DNR » (do not resuscitate) sur mon poignet droit et « no CPR » (pas de réanimation) sur ma poitrine. Mais bien sûr, la préparation d’un plan préalable comporte beaucoup plus de décisions que cela, malgré le fait que certains médecins ne réalisent pas qu’un plan préalable n’est pas une ONR, qu’il peut même ne pas en comprendre.

Plusieurs mois plus tôt, j’ai préparé un plan détaillé et parlé de mes volontés avec la personne qui me représentera (mon fils) et celle qui sera ma mandataire (ma fille). Pas de surprises! Ma famille connaît mes volontés en matière de soins de fin de vie. 

Toutefois, je n’ai pas terminé ma démarche — je n’ai pas signé les documents pour la désignation de mon représentant et de ma mandataire, notamment parce que j’ai été trop occupée à aider d’autres personnes à préparer leur plan, personnes beaucoup plus vieilles que moi et, dans certains cas, en situation de crise (il faut y voir MAINTENANT sans quoi il sera trop tard).

Bref, même si au moment d’écrire ceci, je n’ai pas encore finalisé mon plan, je tiens à vous encourager tous à préparer le vôtre bien AVANT que surviennent de graves problèmes de santé.

Triste à dire, mais il faut comprendre que le tiers des gens souffrent de démence à l’approche de la mort, et que la fin de vie en tant que telle devient plus redoutable que la douleur et l’incapacité physique. Ici, en Colombie-Britannique, on fait la distinction entre l’incapacité mentale (démence ou autre diagnostic médical) et l’incapacité « légale » (capacité devant la loi de préparer et signer un plan préalable, c’est-à-dire de comprendre les diverses options sans nécessairement en comprendre les conséquences). La ligne entre les deux est toutefois bien mince et subjective, et la démence est souvent diagnostiquée lorsque la maladie est très avancée, alors qu’on n’est plus « légalement apte ».

Pour ceux qui souhaitent recevoir toutes les interventions médicales possibles, la préparation d’un plan préalable est plutôt facile : « faire tout ce qu’on peut pour traiter la maladie, et quand cela deviendra inutile, prodiguer des soins pour le confort (soins palliatifs) ». 

Mais pour ceux qui ne veulent PAS « toutes les interventions possibles », quelles qu’en soient les raisons, le plan préalable doit être plus détaillé, et les décisions demandent souvent une plus grande réflexion ainsi que plusieurs discussions avec les proches et amis. La démarche peut prendre plusieurs mois, voire des années, et je crois que c’est nécessaire pour assurer que le plan reflète fidèlement les volontés d’une personne. Comme nous le rappelle souvent la campagne « Parlons-en », un plan préalable, c’est notre voix, nos choix, en prévision d’un jour où on sera incapable de s’exprimer.

D’autre part, pour les familles sans histoires (pas de conflit, un style de vie et des valeurs semblables, proximité géographique), la préparation d’un plan préalable est assez simple puisqu’on s’entend sur le fait que le mandataire ou le représentant de la personne malade prendra toutes les décisions éventuelles.

Mais les choses sont de moins en moins ainsi : des membres de la famille meurent, la famille éclate, les membres ne partagent pas les mêmes valeurs ou modes de vie, des gens déménagent, etc.

Dans de tels cas, il peut être difficile de choisir un mandataire qui voudra et pourra prendre les nombreuses décisions difficiles que la plupart des parcours de fin de vie exigent, surtout dans le contexte du nombre toujours grandissant d’interventions médicales possibles. Voilà pourquoi le plan préalable peut devenir la seule voix qui exprime vos valeurs et vos choix.

J’ai rencontré tellement de cas où aucune planification préalable des soins n’avait été faite, et des personnes malades ayant peu de proches (ou pas) pour agir à titre de mandataire alors que l’état de santé devient critique ou que la démence s’installe, rendant impossible la préparation d’un plan préalable ou la désignation d’un mandataire. 

Une fois, j’ai accepté d’être la représentante d’un homme que je connaissais à peine. Il souffrait de sclérose en plaques et de démence. Tous les membres de sa famille immédiate (dont son frère cadet) étaient décédés, et il n’avait fait aucune planification préalable. Personne, y compris le tuteur public, n’a accepté le rôle de prendre des décisions en son nom en ce qui concernait ses soins médicaux et personnels. Il remplissait tout juste les critères d’aptitude légale, alors nous avons pu établir une entente me désignant comme sa représentante et rencontrer un avocat pour le déclarer légalement apte (bien que le recours à un avocat ne soit plus requis en Colombie-Britannique). 

Or, être une représentante est une tâche ardue, une tâche que j’ai acceptée mais qui a été d’autant plus difficile parce que l’homme n’avait pas préparé de plan préalable.

Et ce n’est pas tout! Sa mère (que je connaissais depuis 40 ans) a connu une longue et coûteuse bataille juridique parce qu’elle n’avait pas effectué de planification préalable des soins, elle qui avait écrit un livre sur les successions et qui connaissait donc tous les problèmes qui peuvent survenir! Elle souffrait de démence, et le conflit portait principalement (et initialement) sur qui avait le droit prioritaire de prendre des décisions en son nom. 

Or, s’il n’y avait pas eu cette bataille juridique, plus d’attention aurait été portée sur l’aggravation de l’état de santé de son fils, et on aurait pu effectuer une planification préalable des soins appropriée. En fait, comme il était son mandataire (reconnu devant la loi), il est bien possible que cette bataille ait contribué à l’aggravation de son état de santé, en raison du stress entraîné par les procédures judiciaires.

Voilà bien un exemple de « ça n’arrive qu’aux autres », mais qui peut tous nous arriver. C’est aussi un exemple de l’importance de la planification préalable des soins, l’importance de planifier ses soins avant que les choses ne se compliquent – c’est tellement important!

Je remercie profondément la campagne « Parlons-en » pour tout le travail réalisé pour encourager les gens à préparer leur plan préalable.

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