Infirmière en soins palliatifs : « Je fais mon boulot d’être humain »

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Cet article a été initialement publié par le Journal Métro le 7 mai 2022. Pour l’article original, visitez ce lien.

Par Olivia Elkaim

Chloé Dracos, 30 ans, est infirmière en soins palliatifs à la Maison, à Gardanne (Bouches-du-Rhône). Elle y a enfin trouvé ce qu’elle attendait au cœur de son métier : une équipe soudée, des moyens, et le temps de s’occuper réellement de ses patients.

« Il y a quelques années, j’ai voulu arrêter de travailler comme infirmière et ouvrir un salon de thé pour prendre du temps avec mes futurs clients. Avec mes patients, c’était bel et bien le temps qui me manquait. En unité de soins de suite et de réadaptation, j’étais la seule infirmière pour 46 personnes. Je devais commencer à mettre des patients en pyjama à 15 h 30, c’était de la maltraitance malgré toute ma bonne volonté.

J’ai ensuite eu une mauvaise expérience en clinique, dans un service de chirurgie, où j’étais la seule infirmière de nuit pour 30 malades, dont quatre en soins continus. Je n’avais pas fait ces études pour gâcher mes valeurs. Moi, je veux être présente, apporter de l’apaisement, prendre le temps. J’ai besoin d’être là pour les gens et je crois être une bonne oreille.

En tant qu’infirmière, je suis celle que les patients voient le plus, dans une journée. Des liens forts se créent dans l’intimité. Quand quelqu’un est angoissé, ne parvient pas à dormir, parfois, un somnifère ne suffit pas. En s’asseyant à côté de lui et en l’écoutant, cela peut aider plus qu’un simple médicament.

« J’ai trouvé ici ce dont je rêvais »

Avant d’être embauchée à la Maison, à Gardanne, j’avais peur des unités de soins palliatifs. Et j’ai toujours très peur de ma propre mort. Mais une ancienne employée, ici, m’en avait parlé en m’assurant que je m’y plairais. Alors quand j’ai passé l’entretien, j’ai dit aux deux cadres : si vous ne me prenez pas, j’arrête le métier. Des moyens, une prise en charge exceptionnelle et une équipe soudée… J’ai trouvé ce dont, en tant qu’infirmière, je rêvais.

Je m’occupe de trois résidents, j’ai du temps pour chacun. Quand l’un d’entre eux décède, je fais la toilette mortuaire, je le maquille et l’accompagne jusqu’à la salle de présentation. Je suis aussi là pour apaiser sa famille. J’ai fait, depuis trois ans, de très belles rencontres, comme Sophie, une mère de famille d’une cinquantaine d’années. On a beaucoup parlé de ses jumeaux, d’un voyage qu’elle avait fait autrefois à Bali.

Je crains terriblement l’avion, mais elle m’a exhorté à profiter de la vie, de ces voyages qu’on peut faire quand on est encore en bonne santé. Elle est morte. Je ne prends plus jamais un vol sans penser à elle et à ce qu’elle m’avait dit alors.

« Je ne me sens pas une héroïne… »

Il m’arrive de pleurer, c’est humain. Comment ne pas se laisser toucher par certaines situations ? Mais à la fin de ma journée, quand je rentre chez moi en voiture, je mets à fond des tubes de Beyoncé ou de Michael Jackson, je chante à tue-tête, je déconnecte vite. Je ne me sens aucunement héroïne dans mon quotidien, même si les malades et leurs familles se montrent souvent plein de gratitude, nous remercient et font des dons à notre association.

En fait, pour moi, un héros, c’est quelqu’un qui sauve des gens. Moi, je fais juste le maximum pour qu’une vie se termine sans souffrance. En revanche, j’ai conscience qu’ici, je ne fais pas qu’un boulot d’infirmière. Je fais aussi mon boulot d’être humain. Cela va bien au-delà d’un simple travail. »

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